7 juil. 2011

NIFFF 2011 Deuxième partie

Même chose que pour la première partie, je suis en italique (et les claviers qwertz sont horribles)


C’est sous un soleil de plomb (malgré un léger vent frais), que nous entamons notre quatrième journée à Neuchatel, cultivant le paradoxe qui nous laisse nous enfermer dans des salles obscures alors que le lac et sa douceur sont à deux pas.

Mais le cinéma n’attend pas, et forcés au chômage technique après la mort de notre chargeur, nous entamons 3 jours de rétrospectives acharnés.



Petit intermède, il faut savoir qu’au NIFFF, pass festival ou pas, on prend ses billets au jour le jour, mais pour l’intégralité de la journée (le truc du petit malin étant d’aller au caisse après 00h pour récupérer les places du « lendemain » avant tout le monde).

Les accrédités sont logés à la même enseigne, mais pas à la même billetterie, billetterie qui ferme tous les soirs à 19h. Il faut donc se lever tôt le matin pour récupérer ses places à 9h dès l’ouverture et éviter la déconvenue de la soirée d’ouverture narrée précédemment, si bien qu’avec Harley nous avons organisé un roulement. Une fois sur deux, l’un d’entre nous se lève tôt pour aller récupérer les places pendant que l’autre dort profondément.

Bref tout cela pour dire qu’arrivé à la billetterie presse à 9h15, je m’entends dire qu’il n’y a déjà plus de place pour THE BOXER’S OMEN… La leçon est retenue, il faudra être là à 9h pile, et je passe au plan B avec THE WICKER MAN.



Le quatrième jour commence fort avec MONDO CANE, premier Mondo movie (chocumentaire ou documenteur, choisi ton camp camarade) de l’Histoire, réalisé par Gualtiero Jacopetti, Franco Prosperi & Paolo Cavara. 108 minutes durant lesquelles se côtoient les pratiques extrêmes de la culture mondiale. On veut choquer à tout prix en nous dévoilant des images vraies, sans aucune mise en scène. Enfin, tout ça c’est beau sur le papier, mais il faut se dire que c’est faux. Scènes inventées, voix off subjective, on est loin de la neutralité pure. Les avis sont divisés. Pour ma part je n’ai pas réussi à me dire que ces mecs qui ont un regard si cynique sur les pays du Nord, puissent être aussi ignares sur les cultures peuplant un monde qui leur est inconnu. Certes il faut replacer dans le contexte, mais je pense qu’il y a quand même un grand foutage de gueule.

(avis que je ne partage pas, considérant MONDO CANE comme une entreprise fascinante à découvrir avec le recul du au temps passé, un monde révolu où internet n’existait pas, où la condescendance colonialiste était plus naïve et ignorante que raciste, et où tout était encore à découvrir. En plus d’être sacrément couillu et d’avoir fait de son montage un véritable « exercice de style » pour relier ces scénettes disparates, portées par la musique orchestrale de Riz Ortolani, le film est nanti de découvertes passionnantes et d’images réellement impressionnantes. Après, cela reste un mondo, grandiloquent, à la limite du racolage, et qui d’un point de vue contemporain pourra faire grincer bien des dents)



Nous enchainons avec THE WIZARD OF GORE de papi Herschell Gordon Lewis. Classique désormais de 1968, ce film narre l’histoire d’un magicien dont les tours marchent réellement. Si il scie une femme en deux, elle sera sciée en deux. Certes le rythme est lent, les scènes gore ne dérogent pas à cette règle, mais ce n’est que pour retrouver chaque torture avec encore plus de plaisir. (Et il faut dire que le concept d’illusion qui sert au crime parfait est une sacrée bonne trouvaille, même si le final n’est pas celui prévu à la base – la faute à un technicien qui fit cramer le décor par faute d’inexpérience, dixit Hershell – et que celui présenté confine au grand n’importe quoi)



N’ayant pu avoir de place pour THE BOXER’S OMEN, Catégorie 3 qui avait l’air complètement fou, nous nous rabattons avec plaisir sur THE WICKER MAN, film faisant parti de la catégorie « Carte blanche à Eli Roth ». Le réalisateur de CABIN FEVER nous présente (dans un franglais des plus respectables) donc ce film comme un grand classique du cinéma qu’il affectionne particulièrement. Et on comprend ! Quel plaisir de voir un film « d’horreur » musical !

D’autant qu’à part une fin un poil bavarde, cette histoire de disparition présumée d’enfant sur une île autarcique régie par d’obscures religions pré-chrétienne n’a pas pris une seule ride, notamment grâce aux chansons envoûtantes et à l’immense Christopher Lee. En parlant de la musique, Eli Roth expliquera avant la projection qu’il l’appréciait tellement qu’il utilisera la reprise d’une des chansons par Sneaker Pimp’s pour son Hostel.

Et après avoir fièrement taillé le bout de gras avec monsieur Roth pendant 15 petites secondes, nous repartons récupérer quelque peu avant de recommencer de plus belle le lendemain.



Debout de bonne heure tous les deux pour cause de projection de NIGHT FISHING de Park-Chan Wook, nous en profitons pour flâner dans le centre de Neuchatel où se croisent architecture typiquement helvète et statue de Don Quichotte dont on se demande bien ce qu’elle fait là.

NIGHT FISHING alors : autant basé sur son concept technique que sur une histoire forte, ce court métrage (30 mn) entièrement tourné avec l’Iphone 4 est autant une réussite qu’on aurait pu craindre un pétard mouillé. Utilisant le côté granuleux du Smartphone d’Apple à merveille, naviguant entre onirisme (le film démarre sur une chanson des Uhuhboo Project façon vidéoclip) et peinture de coutumes coréennes ancestrales, entre drame et fantastique, il se permet d’avoir plus de rebondissement intéressant en une demi heure que beaucoup de film en 2h. Bref, une réussite technique (et c’était pas gagné), qui plus est poignante.



Avant d’enchainer avec THE GODFATHER OF GORE, documentaire sur Hershell Gordon Lewis concocté entre autre par Frank Hennenlotter, une petite interlude : Si un de ces jours vous passez par Neuchatel, passez au Café des Arts, merveilleux petit restaurant qui, non content d’être abordable, est aussi complet que son pain et où on trouve des menus végétariens, sans gluten ou encore diététique.



Passé le documentaire, déjà vu à l’Extreme Cinema de Toulouse, et toujours aussi passionnant quand à la trajectoire de ce génial débrouillard qui commença dans le « nudies » avant de créer carrément le mouvement gore, il est temps de rencontrer la légende susnommée en personne, lors d’une conférence intime et joyeuse, qui confirme la bonhomie, l’intelligence et la lucidité du monsieur sur son art, son bizness, et la pérennité de son héritage. Beaucoup, beaucoup d’informations et d’anecdotes vibrantes, ce qui tombe bien puisque le film suivant est THE GORE GORE GIRLS, dernier film en date (1972 quand même) de Lewis, qui malmène des strip-teaseuses dans une ambiance ouvertement décalée, mêlant effet gore plus réussis (et tordus) que ceux de BLOOD FEAST, et érotisme bon enfant typique du Grindhouse qui battait son plein.

D’ailleurs, même si une pointe de Giallo lui donne un goût exotique, on peut presque dire que THE GORE GORE GIRLS, encore plus que LA BAIE SANGLANTE OU HALLOWEEN, pose les premières bases du futur Slasher.



Qu’avons-nous ensuite à nous mettre sous la dent (à part notre sempiternel pique-nique) ? Un film de parasites, à l’aune de BODY SNATCHERS et qui inspira certainement THE FACULTY et HORRIBILIS, un film qui se revendique du zombie-flick en remplaçant la soif de chair fraiche par une soif de sexe (sisi) assez originale, j’ai nommé SHIVERS, premier film de David Cronenberg, qui déjà s’intéressait la chair dans toutes ses formes. Et si le rythme du film a un peu vieilli et peine à se mettre en place, il reste diablement maitrisé et contient des scènes d’anthologie que le temps ne saura certainement pas altérer (même si ma préférence va à RAGE, son film suivant).



La journée se termine avec OFFSPRING, adaptation d’un roman de Jack Ketchum (nouvelle coqueluche de la littérature « d’horreur » américaine adoubé par Stephen King himself) qu’il a également scénarisé, et on se demande bien comment l’écart de qualité peut être si grand entre les deux médias. On était prévenu par les différents échos, ce n’est donc pas une surprise, OFFSPRING est un naufrage à tous niveaux, perclus d’incohérences hilarantes et de fautes de goût déplorables, ce qui devient inacceptable lorsqu’on adapte une histoire de cannibales troglodytes hantant les abords d’une ville côtière, cherchant à sacrifier un bébé et ne faisant pas dans la dentelle quand il s’agit de chasser leur nourriture. Risible de bout en bout et bien loin des GIRL NEXT DOOR, RED et autre THE LOST d’après le même auteur. En attendant THE WOMAN, séquelle à la réputation festivalière plus que flatteuse.



Et on finit nos trois jours de quasi intégrale rétro avec une journée chargée, puisqu’elle rentre dans le vif du sujet avec la conférence donnée par l’enfant terrible Eli Roth, venu discuter de son enfance, ses films, ses tabliers d’acteur et de producteur… Dans un français très recommandable (surtout 20 ans après ses études ERASMUS) et une accessibilité qu’on ne pensait pas lui reconnaître, c’est à 45 minutes d’anecdotes et d’infos exclusives (oui il réalisera bien THANKSGIVING, d’après sa bande-annonce grindhouse, qu’il est en train d’écrire) auxquelles nous avons eu droit.



Un sacré bon dans le temps après cela puisqu’avait lieu la projection du premier film du fou furieux José Mojica Marins, le bien nommé À MINUIT, J’EMPORTERAI TON ÂME (1964) premier opus d’une trilogie qui sera continué 3 ans plus tard avec CETTE NUIT, JE M’INCARNERAIS DANS TON CADAVRE et enfin clôt après plus de 30 ans ( !) par EMBODIMENT OF EVIL en 2008. Bon, force est de constater que cette ouverture a pris de sacrées rides (surtout quand on a vu l’épisode final en premier), mais le film est tellement fou (notamment ce long plan séquence où le « héros » diabolique Zé du cercueil pète littéralement un cable de culpabilité) et classieux qu’il force le respect (d’ailleurs Harley a adoré sans aucune réserve).



Nous devions enchainer avec l’immense MASQUE DU DÉMON de Bava, mais les horaires trop proches (et la faim qui nous tiraillait le ventre) auront eu raison de nous, nous restons à la porte du cinéma, pestant de ne pouvoir découvrir ce chef-d’œuvre sur grand écran en présence de son actrice principale. Qu’à cela ne tienne, nous serons en avance à la séance suivante, l’attendu WASTED ON THE YOUNG (préféré à la conférence vidéo, l’Esthétique du sang).

Las, mal nous en a pris, puisque ce qui semblait sur le papier être un film à l’ambiance post apocalyptique anarchique d’un monde sans adultes, n’est finalement qu’un teen movie option drame d’un sérieux papal, qui brasse des thèmes revus cent fois dans divers films et séries (toute puissance des populaires, mal-être des autres, choc des classes et des caractères, drogue, viol et états d’âme) en y ajoutant pour seule touche d’originalité un concept qui tourne au gimmick (les adultes existent bien et sont cités constamment, mais simplement pas filmés avant le dernier, et risible, plan du film) et une ambiance visuelle et sonore oscillant entre l’arty et le clip vidéo commercial qui ne fait pas illusion plus de 15 mn. On croirait l’œuvre d’un Greg Araki qui aurait viré MTV, et tout le talent relatif des comédiens n’y fera rien : c’est d’un ennui mortel.



Heureusement, Dieu soit en location, la journée se termine avec PIECES (LE SADIQUE À LA TRONCONNEUSE, tout un programme) de feu Juan Piquer Simon, présenté par un Eli Roth enthousiaste, survolté, et tout triste de repartir à L.A le lendemain (et certainement aussi légèrement éméché) qui nous assure qu’après ce film, on aura du mal à considérer les autres métrages du festival comme bons. Et il avait raison. PIECES, c’est la quintessence du n’importe quoi qui donne la banane, un des slasher les plus tordus et jouissifs (et aussi un des plus nuls, mais avec PIECES la notion même de qualité vole en éclats) de l’Histoire du cinéma d’horreur. Oscillant entre nanar hyperbolique assumé et jeu de massacre psychédélique, ce film n’est pas seulement nanti d’un des jeux d’acteur les plus ignobles de la galaxie et d’un scénario écrit un soir de cuite à l’absinthe frelatée, il se permet également d’être plus généreux en gore et en nudité que beaucoup de ses compatriotes (un sadique à la tronçonneuse, ça fait des dégâts, et on aura aussi droit à du full-frontal féminin ET masculin, zigounette en prime), et peut se targuer d’avoir à la fois des plans magnifiques (jeux d’ombres, costume giallesque et mise en valeur des effets gores) et des scènes tellement sorties d’un autre monde qu’on en reste bouche bée plusieurs minutes durant (la scène du prof de kung-fu faisant son jogging restera longtemps dans les mémoires)



Et nous rentrons, toujours à pied, mais comme Aznavour dans La Bohème : Épuisés, mais ravis. Fallait-il que l’on s’aime et qu’on aime Eli…

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